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Yomeddine : même là où les routes n’existent plus

Présenté le 9 mai 2018 en sélection officielle (compétition). Durée : 1h37.

Par Lucile Bellan, le 10-05-2018
Cinéma et Séries
Cet article fait partie de la série 'Cannes 2018' composée de 24 articles. En mai 2018, la team cinéma de Playlist Society prend ses quartiers sur la Croisette. De la course à la Palme jusqu’aux allées de l’ACID, elle arpente tout Cannes pour livrer des textes sur certains films forts du festival. Voir le sommaire de la série.

On dirait une parabole ou un conte. C’est l’histoire du lépreux et de l’orphelin qui se cherchent une famille à travers l’Egypte. Mais si Yomeddine est une épopée pleine de douceur et de délicatesse, un road movie même là où les routes n’existent plus se cache aussi en son sein une réflexion douce sur la différence, entre les valides et les handicapés, entre les humains et les animaux. Yomeddine ne revendique rien, il montre, il démontre.

Dans le film, rien n’est plus beau que le rire du héros Beshay lors de la danse improvisée du jeune Obama. Que son tic de se passer les mains dans les cheveux quand il est mal à l’aise. Elle est là, la beauté dans le film. La candeur du personnage principal, sa foi en l’humain nourrie par une vie protégée du monde extérieur s’oppose à la laideur de l’ignorance et les traits déformés par la peur de ceux qui croisent son chemin. Seul Obama, laissé pour compte dans son orphelinat, semble voir en Beshay à travers ses cicatrices, traces de la maladie qui l’a touché depuis sa plus tendre enfance.

Beshay raconte que, petit, les enfants de son quartier l’appelaient « l’animal » avant que son père ne le conduise dans une léproserie parce qu’il ne ressentait pas la douleur comme eux. Adulte, Beshay a construit avec son âne une relation qui relève de l’amitié fusionnelle. Beshay pleurera son âne plus que sa propre épouse n’aura été pleurée par sa mère. Doucement, tout au long du périple, les rencontres de l’improbable duo l’amène à voir se confronter deux mondes, les « animaux » et les autres.

Malheureusement, ce manichéisme n’est pas tellement un reproche que l’on peut faire au film. Rien n’est plus juste que la violence de la société envers ceux qui ne sont pas valides. Pour son premier film, le réalisateur A. B. Shawky, choisit de raconter le monde à travers les yeux d’un enfant livré à lui-même et d’un adulte à l’âme pure et à l’enveloppe altérée. Il raconte le monde de sous les ponts, de la rue, des accidentés de la vie et de ceux que la société a rejetés et ne voit plus.

Jamais le misérabilisme ne guette dans cette aventure, dans laquelle il se faut se laisser embarquer. Si Beshay nous invite à voir le monde avec ses yeux, il partage avec nous sa générosité et sa douceur. C’est une invitation, une main tendue. A. B. Shawky convie les spectateurs à voir un monde duquel il détourne trop souvent le regard. Et rappelle à chaque instant que c’est une richesse que d’ouvrir son cœur.

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