Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage

PS’Playlist juillet 2018

Par Collectif, le 31-07-2018
Musique

01. Jorja Smith – « Blue Lights » (Guillaume Augias)
Extrait de Lost & Found – 2018 – Mor(d)illons
Un timbre semblant venir des sixties qui scande une soul aux accents hip-hop sur des nappes de synthétiseur évoquant le début des nineties, voilà le cocktail servi par l’Anglaise qui fait sensation ces temps-ci.
Dans ce titre elle aborde la traque policière — les lumières bleues sont celles des pandores — par le biais d’une voix aux allures de conscience (“don’t you run / when you hear the sirens coming”) et ses inflexions suaves sont un soudain contrepoint au mouvement Black Lives Matter.

 

02. Parquet Courts – « Total Football » (Erwan)
Extrait de Wide Awake ! – 2018 – Hymne de circonstance
Tous les deux ans, le groupe new-yorkais Parquet Courts sort un nouvel album, et tous les deux ans le nouvel album de Parquet Courts compte parmi les meilleurs de l’année. Wide Awake ! ne déroge pas à la règle, bien qu’il soit à l’opposé en termes d’état d’esprit du précédent, Human Performance. Sur Wide Awake ! Parquet Courts n’est jamais prévisible, se montrant à la fois détendu et maîtrisé, grave (avec des paroles conscientes des problèmes du monde et des révolutions à y mener) et joyeux (l’air au piano de Tenderness, parfait pour être fredonné tout l’été). Le morceau d’ouverture concentre tout cela : un hymne joyeux à la rébellion, placé sous le signe de l’utopie du « football total » (philosophie de jeu poussant tous les joueurs à pouvoir assurer tous les postes), étendue à tous les arts et tous les espaces de pensée.

 

03. Father John Misty – « Mr. Tillman » (Thierry Chatain)
Extrait de God’s Favorite Customer – 2018 – Ballade taillée dans la gueule de bois
Depuis le début de la décennie, Josh Tillman s’est effacé derrière un alter ego au caractère imprévisible et versé dans l’auto-mythification, Father John Misty. Dans son dernier album, le masque semble se décoller et l’auteur réapparaître derrière la créature. Particulièrement dans ce “Mr. Tillman”, où il se fait interpeller par un concierge d’hôtel d’une patience angélique et réellement concerné par son état physique et mental, après un précédent séjour… turbulent (“Vous avez laissé votre passeport dans le mini-bar”, “Ne laissez pas votre matelas sous la pluie si vous dormez sur le balcon”, “On ne peut pas appeler quelqu’un ? Peut-être que vous ne devriez pas boire seul”…). Ce à quoi il répond : “Je me sens si bien/Je vis dans un nuage au-dessus d’une île dans ma tête”. Si la chanson est bien le reflet d’une année passée quelque peu, disons, mouvementée, rien n’interdit non plus de considérer Tillman, ici, comme une création de son avatar – l’humour sardonique du propos créant le décalage. Et, ce qui ne gâche rien, “Mr. Tillman” est avant tout une chanson d’une totale évidence mélodique qui se termine en sifflotant, l’air de rien, et d’une parfaite tenue – sans rapport avec les affres de sa création.

 

04. The Zombies – « A Rose From Emily » (Isabelle Chelley)
Extrait de Odessey And Oracle – 1968 – Ballade belle à se pendre
On peut passer à côté d’un bijou d’album juste parce qu’on est rebutée par la pochette. Et de pousser le ridicule un peu plus loin en découvrant ce bijou de pop psyché-baroque parce qu’il faisait office de générique de fin d’un podcast…
Emily est forcément une cousine d’Eleanor Rigby, seule, sans amour, regardant les autres s’aimer sans jamais l’être à son tour. L’histoire est naïve, cruelle, et la chanson donne envie de pleurer, tant sa mélodie est jolie. C’est ce mélange entre sophistication de la musique et vraie candeur adolescente des paroles qui la rend sans doute aussi touchante et précieuse.
Et si la version des Zombies m’émeut aux larmes à chaque fois, celle, reprise par mon amie Sylvia Hansel dans son podcast du même nom, me file le frisson et si j’osais, je vous conseillerais chaudement d’aller l’écouter…

 

05. Fedia Laguerre – « Divizion » (Voilaaa remix) (Christophe Gauthier)
Extrait de L’aumone – 1981 – Afro-disco haïtienne
Le son qui ambiance mon été a quasiment quarante ans d’âge et vient tout droit des Caraïbes. Pour sa première parution, le jeune label marseillais Atangana Records, monté par le DJ/producteur/digger Déni Shain, a redonné vie à une pépite dansante et revendicatrice d’une artiste haïtienne aujourd’hui retournée dans l’ombre (Fedia Laguerre dirige actuellement des chorales gospel en Californie). Ce « Divizion », déjà richement produit à la base, bénéficie pour cette réédition d’un remix discret signé Voilaaa, qui lui ajoute un petit surplus de percus et de basse pour plus de punch. Si vous ne tapez pas du pied à la deuxième mesure, c’est à n’y rien comprendre.

 

06. Jonathan Wilson – « There Is A Light » (Marc Mineur)
Extrait de Rare Birds – 2018 – Euphorie californienne
Il a fallu cette canicule pour qu’enfin éclate la lumineuse classe de cet album de Jonathan Wilson sorti au frisquet printemps. L’homme nous était pourtant connu, et il marque de son empreinte tout un pan de la musique actuelle (de Father John Misty à Roger Waters) en tant que producteur. Rare Birds déborde de ces hymnes discrets et solides à la fois, mais c’est ce « There Is A Light » qui pousse le plus loin l’euphorie, avec une mélodie si évidente qu’elle en est lancinante. C’est beau, l’été, non ?

 

07. Paraf – « Javna kupatila » (Arbobo)
Extrait de Izleti – 1981 – New wave croate
Les Croates ont de bons footballeurs, une présidente qui se pourlèche les babines quand elle voit un néo-nazi, et une longue culture qu’on ne va pas résumer ici. Un morceau suffira. En 1980, le dictateur maison, rallié à l’URSS à ses conditions, Tito, passe l’arme à gauche (première fois qu’il fait un truc vraiment à gauche, mais passons…). En 1980, la new wave purule de la vieille Albion et le look dépressif de Robert Smith inspire des nations qui se surprennent à rêver d’ères nouvelles. Au hasard, la Croatie et ses voisines yougoslaves. Une nuée de groupes rock, post-punk, new-wave, bourgeonne dans les caves balkanes en rêvant de briser le joug à grand coup de Stratocaster. Et on a vu plus stupide comme aspiration, loin de là. Dans le lot, dans le petite cité balnéaire de Fiume (ou Rijeka, pour les Croates), Paraf balance deux albums en deux ans avant de ralentir le rythme.
Javna kupatila accroche et nous emporte sans répit, avec son clavier trépidant, original, entêtant, qui résiste à un “pont” basiquement un peu raté. Non pas que Pavica Mijatović soit la meilleure chanteuse de sa génération, mais il y a des morceaux pour lesquels on essaie d’éviter d’utiliser le mot “urgence” en les décrivant, sans y parvenir.

 


08. The Twilight Sad – « I/m not Here [Missing Face] » (Alexandre Mathis)
Single (2018) – Noise Rock
Dès la sirène introductive, on comprend que le plongeon sera total. Je ne pensais pas connaitre The Twilight Sad, de la pop-rock matinées d’ambiances à la Nick Cave ou de Sonic Youth, et de faire un saut dans les salles new-yorkaises moites et enfumées (bien que le groupe soit britannique). Puis j’ai vu que le groupe était dans le giron de Mogwai, The Smashing Pumpkins, Beirut et même Max Richter, bref tout à fait mon univers. Ici et là, je reconnais des sonorités. Je me dis que le groupe est sûrement passé dans mon radar sans que je m’y attarde. Mais c’est décidé, avec la puissance anxiogène de « I/m not Here [Missing Face] », je vais me plonger dans The Twilight Sad.

 

09. Kiersey Clemons – « Hearts beat loud » (Thomas Messias)
Extrait de la bande originale du filmHearts beat loud – 2018 – Garage band
Après quelques jours de vacances à Rotterdam (ville géniale, aussi dense qu’apaisante), le naturel est revenu au galop. Nous avons inspecté les programmes des cinémas de la ville et jeté notre dévolu sur deux films qui resteraient vraisemblablement inédits dans les salles françaises. D’abord The Trip to Spain, troisième volet des aventures gastronomico-cabotines de Michael Winterbottom, Steve Coogan et Rob Brydon. Un délice, comme à chaque fois. Et puis ce Hearts beat loud dont nous n’avions pas entendu parler. Ça commence comme un High fidelity version 2018, avec son héros disquaire (Nick “Ron Swanson” Offerman) ne sachant ni comment bien traiter ses clients ni quoi faire de son existence. S’y ajoute une success (?) story familiale et musicale, le disquaire en question ayant décidé de profiter de l’été pour enregistrer des chansons avec sa fille (Kiersey Clemons), avant que celle-ci ne parte en face de médecine. C’est doux, tendre, sucré mais pas trop, assez désabusé, et avec un traitement aussi fin que bouleversant de l’homosexualité (ou peut-être bisexualité) de la jeune femme. Et en plus les chansons réchauffent le cœur.

 

10. Sargeist – « Frowning, Existing » (Nathan)
Extrait de Satanic Black Devotion – 2003 – Black Metal
J’ai souvent du mal à expliquer et détailler ce que j’aime dans les musiques extrêmes. Surtout, je ne peux jamais justifier le paradoxe de mon amour du black metal et du hardcore et de mon dédain profond pour tout ce qui est death metal et thrash. Les redoutables finlandais de Sargeist m’ont aidé à mettre des mots sur ce que j’aime. J’aime quand une mélodie imparable – oserais-je dire un groove – se cache derrière une sauvagerie inimaginable. J’aime les voix hurlées pleine de douleur et de haine. J’aime quand ces riffs presque pop. Et surtout, j’aime quand tout cela sonne sale et dégouline. L’atmosphère est plus important que la précision ou la violence. Donc en gros, j’aime le black metal. Et j’adore Sargeist.

 

11. Vein – « Old Data In Dead Machine » (Benjamin)
Extrait de Errorzone – 2018 – Néo-métal
Les vagues et les styles en musique étant cycliques, on se demande quand est-ce que va avoir lieu le revival néo-métal. Errorzone, le premier album de Vein, groupe de metalcore originaire de Boston, pourrait bien être un début de réponse tant leurs compositions intègrent des rythmiques saccadées, des incursions electro, et des déchainements de violences toujours entrainants. Si l’on retrouve bien la base metal et hardcore qui est la marque de fabrique de leur label – le groupe est signé chez Closed Casket Activities – et qui les rapproche d’un Dillinger Escape Plan, on y entend aussi clairement l’influence de Slipknot et Korn. Un titre comme « Old Data In Dead Machine » illustre bien ce mélange qui pourrait signer une nouvelle voie pour le néo-métal.