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01. Tame Impala – « Feels like we only go backwards » (Thomas Messias)
Extrait de Lonerism – 2012 – Vague souvenir
Ce n’est pas tous les jours facile, d’avoir une oreille calamiteuse et une mémoire impitoyablement sélective. On entend un morceau qu’on aime, on l’écoute régulièrement pendant des semaines, et puis, quelques années plus tard, quand on le ré-entend dans un lieu public, on bloque totalement sur le nom de l’artiste comme sur le titre de la chanson. Les hauts-parleurs crachotent et m’empêchent de saisir les paroles, ce qui m’aurait permis de les googler ; impossible aussi d’utiliser Shazam, le bruit des discussions environnantes couvrant allègrement la mélodie. Le lendemain, on finit par se rappeler avoir entendu le morceau en question dans le générique de fin d’un film Netflix. Sauf que ledit morceau ne figure pas dans le film qu’on croyait. Finalement, à la faveur d’une insomnie, la vérité surgit : c’était bien un film Netflix, mais pas celui-là. Un autre. Et me voici reparti pour écouter pendant des semaines ce morceau de Tame Impala, qui clôt Shimmer lake, polar “façon Memento“. Quelle histoire passionnante.

 

02. Museum of Love – « Marching Orders » (Erwan Desbois)
Single – 2018 – Partiellement LCD
J’étais passé à côté de l’existence de Museum of Love, duo formé par le batteur de LCD Soundsystem Pat Mahoney (avec Dennis McNany), lorsqu’ils avaient sorti leur premier album en 2014. La sortie de ce nouveau morceau quatre ans plus tard est l’occasion de combler cette lacune, et d’ajouter au plaisir d’avoir retrouvé LCD l’an passé celui de découvrir ce groupe cousin, via l’écoute de ce single et de l’album qui l’a précédé, aussi stimulants l’un que l’autre.

 

03. Vîrus – « Des fins » (Arbobo)
Extrait de Faire-part– 2015 – Rap
Jours de novembre, jours de faire-part. 13 novembre, on m’emmène écouter du classique à la Philharmonie et j’oublie presque quel jour nous sommes, jusqu’à la coda, un bis de Liszt sorti du crêpe noir pour l’occasion. Pour finir la semaine, 2 jours de colloque passionnants sur la culture, où le rap était présent dans pas loin de la moitié des interventions. Pour parler à nos défunts, pour parler d’eux, il faut être vivant. Venu de sa Normandie participer à une table ronde, Vîrus partage avec nous son regard et ses mots. “J’vis oppressant. Un décès, ça reste récent”.

 

04. Trippie Redd – « Topanga » (Guillaume Augias)
Extrait de A Love Letter To You 3 – 2018 – Tatouage visage
Est-ce parce que le hook de ce morceau est contenu dans trois notes de piano jetées au hasard ou parce que je n’arrive jamais à identifier un hook ? Peu importe, ce morceau me hante. Vous êtes crocheté par un gimmick musical comme par la robe d’un vin, sans savoir à quoi cela correspond exactement. Ce rappeur-là ressemble à une pâle copie de 6ix9ine et la mélasse de ses textes sera impossible à identifier dans dix ans, mais vivons-nous dans dix ans ? Non ma bonne dame, vous avez bien raison, et surtout continuez d’écouter du rap collant.

05. St. Vincent – « Los Ageless » (Nathan)
Extrait de MassEducation – 2018 – Album de l’année
Annie Clark chante les chansons de son dernier album (Masseduction) accompagnée seulement de son ami Thomas Bartlett au piano et c’est tout simplement la musique la plus pure, élégante, intelligente – et sûrement plein d’autres adjectifs superlatifs que je n’ai pas en tête pour le moment – de l’année.

 

06. Kùzylarsen – « Je Me Suis Vidée » (Marc Mineur)
Extrait de Le Long De Ta Douceur – 2018 – Chanson Française Déviante
Faire de la chanson française en guitare/voix, ce n’est pas très courant. Le faire en mode oud électrique/voix est encore moins entendu. C’est pourtant ce que tente et réussit Mathieu Kùzylarsen. Pour casser toute tentation d’aridité, il s’est associé à la bassiste Alice Vande Voorde et ce line-up minimal impose une excellence de tous les instants. On est captés par ces histoires qu’on n’est pas certains de comprendre (celle-ci fait parler une bouteille), en contact direct avec une voix franche et familière. Dans une chanson française souvent frileuse formellement, il arrive en tous cas à imposer sa personnalité pour une des plus étranges et attachantes découvertes de l’année.

07. Dead Or Alive – « I Wanna Be A Toy » (Isabelle Chelley) 
Extrait de
Youthquake – 1985 – synthpop
Tomber sur une réédition en vinyle violet de cet album. Se souvenir d’avoir beaucoup dansé sur « You Spin Round (Like A Record) » ou « My Heart Goes Bang ». Etre saisie d’une énorme bouffée de nostalgie et acheter le disque entre deux nouveautés, en s’attendant à être déçue en le réécoutant, parce que les productions eighties, c’est sale, ça fait le coup à chaque fois. Tomber sur ce morceau, « I Wanna Be Your Toy » sur lequel on n’avait pas forcément flashé à l’époque, parce qu’il était éclipsé par les tubes. Et se mettre à réévaluer tout l’album. En 1985, Dead Or Alive a été vite considéré comme un groupe pop trop looké pour être honnête et pourtant… Ce morceau-là aurait une tout autre aura s’il avait été signé par New Order, avec ses claviers acrobatiques, ces phrases répétées comme des ordres entre deux refrains qui ajoutent une touche désincarnée. Et pour une fois, la malédiction de la production eighties n’a pas opéré.

 

08. Wild Tchoupitoulas – « Indian Red » (Thierry Chatain)  
Extrait de 
Wild Tchoupitoulas – 1976 – Black Indian funk 
L’émission de France Culture Jukebox (ex-Métronomique), qui raconte en musique chaque semaine une période et/ou un lieu, a fait remonter mes souvenirs de la série Treme (dont il fut question ici en son temps) avec son épisode consacré aux mémoires amérindiennes, tandis que deux documentaires sortaient au cinéma, Black Indians et Rumble : The Indians Who Rocked the World. Alors que la gamme infinie des musiques de la Nouvelle-Orléans est à la fois le sang qui irrigue la série et son âme, un titre plus encore que les autres l’incarne pour moi, cet “Indian Red” entonné comme un hymne, une invocation aux esprits, par les tribus de Black Indians avant leur défilé, notamment pour le Mardi Gras. Dans la meilleure tradition métissée de la ville, cette version puise aussi dans son funk au backbeat si singulier, les musiciens derrière les Wild Tchoupitoulas n’étant autres que les Meters renforcés par les frères Neville au grand complet, neveux du Big Chief, avec Allen Toussaint à la production. De quoi déchirer les brumes de novembre et donner une irrésistible envie de défiler dans la rue – sans gilet jaune.

09. Current 93 – « The Policemen is Dead » (Benjamin Fogel)  
Extrait de The Light Is Leaving Us All
 – 2018 – Apocalyptique Folk
On ne va pas se mentir : à l’écoute de certains titres de The Light Is Leaving Us All, le nouvel album de Current 93, je serais bien incapable de dire s’il s’agit de nouveaux titres ou de chansons déjà écoutées. Le prêche de David Tibet se prête à ce genre de confusion. Les chansons résonnent entre elles tout au long des époques, portées par cette voix unique et cette mission de documenter musicalement la fin du monde que s’est fixée le groupe. Dans tous les cas, ça fonctionne chaque fois avec moi. De ses mélodes ésotériques à sa manière de mixer la voix en avant, Current 93 continue de livrer des chansons folk inattendues et magnifiques.

10. The Beatles – « Savoy Truffle » (Christophe Gauthier)
Extrait de The Beatles – 1968 – Pop cinquantenaire
Hendrix, Janis Joplin, les Beatles… Les rééditions 50e anniversaire tombent comme à Gravelotte, avec les (parfois dispensables) remix et les (parfois intéressantes) chutes de studio. Je suis donc retombé, sans trop me forcer j’avoue, dans le monumental album blanc des quatre de Liverpool. Avec délectation. Le remix 2018 est discutable par moments, voire radical, mais il permet aussi de réévaluer quelques titres un peu négligés comme le « Savoy Truffle » de George Harrison. Morceau inoffensif en apparence, petite pique envoyée à son copain Clapton et son addiction aux sucreries, c’est aussi une rareté dans le catalogue des Beatles avec sa section de cuivres ultracompressés (Harrison utilisera la même formule vingt ans plus tard sur son tube « Got My Mind Set On You »). Au milieu d’une face 4 cheloue et troublante, ce titre est une bouffée d’air frais.