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Si on se souviendra de Midnight in Paris comme l’un des plus mauvais films de Woody Allen, c’est entre autres parce qu’il y carbonise une excellente idée de départ : chacun chérit son Âge d’or, son panthéon personnel, son paradis perdu, et c’est une autre façon d’appeler la subjectivité, la sensibilité, l’art en nous. En matière de rap, où les Âges d’or se succèdent depuis des lustres par périodes de plus en plus courtes, on est vite saisi d’un vertige. Vertige comme celui qui m’étreint à la lecture de l’article que je consacrais il y a presque 12 ans — sous pseudo, pardon my French — au retour d’ATK, collectif mouvant nommé en hommage à un sample de ses origines, « Avoue que Tu Kiffes ». L’aspect protéiforme et foutraque dudit collectif fait que toutes ses sorties ressemblent à des retours, le come-back faisant bientôt figure d’éthique de vie. « On écrit depuis l’époque des Reebok Pump et John Rambo. »

C’est ainsi bille en tête que ce nouvel opus commence par le morceau éponyme « Comme on a dit ». Un couplet par membre, on ne change pas une équipe qui gagne et on ne change pas un membre qui meurt puisque Fredy K, tragiquement disparu en 2007 dans un accident de moto, est évoqué plus souvent qu’à son tour (« On continue mais sans toi c’est différent »). Une nouvelle jeunesse. Vingt ans après Heptagone, le succès d’estime du groupe, ATK vient de signer son premier clip et de donner à Paris son premier concert.

Il faut écrire la page suivante quand on pensait mettre un point final à chaque phrase

La multitude crée parfois le chaos, et à ce mantra « Comme on a dit » s’oppose à l’occasion « J’ai toujours fait le contraire de ce qu’on m’a dit ». Une chose est sûre en tout cas, on a beaucoup moins envie ici de regarder du côté des prods ou des flows que l’on connaît bien – celui de Cyanure en tête – que du côté des lyrics, ne serait-ce que pour voir comment vieillit l’envie de rap. Et l’envie de dire touche à l’envie (ou pas) de transmettre. « Mon père m’a dit un vrai bonhomme fonde une famille / Ma mifa dans la rue c’est tous mes potos ». Les petits boulots, l’absence de succès, les modèles familiaux comme autant de repoussoirs, la rime se fait soudain triste, voire amère quand est raillé l’accessoire (comme le fait d’appeler ses enfants Hugo, Fleur ou Capucine). Et les velléités de punchlines, à l’occasion, ne sont plus qu’une mise en abyme de l’âge qui vient : « Le monde d’aujourd’hui n’est plus celui de nos darons ».  Il faut écrire la page suivante quand on pensait mettre un point final à chaque phrase.

« Un homme sans rêve est un roi sans sujets » entend-on sur le titre « Jour J », dont le refrain évoque une ritournelle de Laurent Voulzy. C’était Daniel Balavoine sur Silence Radio et on notera que les deux chanteurs sont présents aux côtés de Jul, Kaaris et PNL dans la bande-originale du Monde est à toi de Romain Gavras, très lié lui aussi à la scène rap parisienne. Ces ponts entre Générations FM et Chérie FM sont une manière d’évocation du temps qui passe et qui passe à regarder les Âges d’or comme autant de trains à grande vitesse.