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ISABELLE CHELLEY

Joan Jett with Miley Cyrus & Laura-Jane Grace – « Androgynous » 
Extrait de Bad Reputation (Soundtrack) – 2018 – Androgynie et rock
L7  – « Pretend We’re Dead »
Extrait de Bricks Are Heavy – 1992 – Punk rock de killeuses
The Dandy Warhols – « Be Alright »
Extrait de Why You So Crazy – 2019 – Pop psyché 

En 2018, j’ai écouté quelques voix bienveillantes qui m’ont convaincue que j’allais regretter de ne pas faire ce que je me suis toujours interdit. J’ai rencontré Joan Jett, une de mes héroïnes, et pourtant c’est contraire à mon code personnel du travail, c’est même la règle qui vient juste après “no zob in job”. J’ai eu de la chance, je n’ai pas été déçue. Elle était encore bien plus cool que je ne l’imaginais. Après l’avoir rencontrée, je n’ai presque plus eu peur de vieillir pendant 24 heures. Parce qu’il est possible d’être cool, belle et pertinente dans le rock à 60 balais et d’avoir sur scène plus d’énergie que les homologues masculins du même âge…

Comme je n’en étais plus à une infraction près à mon code du travail personnel, j’ai enchaîné. En retournant voir sur scène un groupe que j’avais vu il y a longtemps et adoré. En général, j’y vais à reculons, avec le sentiment que la magie n’opérera plus, que le groupe a vieilli et moi aussi, qu’on ne peut jamais revenir à la maison de toute façon et que ça ne servira qu’à gâcher un souvenir. J’ai fait une exception pour L7. Ce concert-là a été encore meilleur que celui de 1997. J’attends le prochain album maintenant…

Je termine l’année avec un piercing et trois tatouages en plus, les cheveux à nouveau teints (parce que fuck le naturel), le sentiment de n’avoir pas assez écrit cette année et la bonne résolution, justement, de refaire plus de chroniques d’albums, même si ça n’intéresse plus personne… Et c’est ainsi que j’ai renoué avec ma bande de branleurs préférés de Portland que j’avais largués il y a un moment, pour cause de disques médiocres. Le dixième album des Dandys va sortir en janvier, il se barre dans tous les sens et surtout, il est bourré de morceaux, de vrais, accrocheurs comme il faut. Ça fait du bien de vous retrouver, les copains, vous m’aviez manqué.

 

JULIEN LAFOND-LAUMOND

Lost Girls – « Drive »
Extrait de Feeling – 2018 – spoken word
Roza Terenzi & Dj Zozi – « G Step »
Extrait de Planet Euphoric – 2018 – breakbeats
Mike Parker – « Copper Variations 3 »
Extrait de Copper Variations – 2003 – techno

Une année sans rap, sans jazz, sans pop et pour tout dire presque sans le moindre instrument acoustique. Avec le temps, je perds un peu de l’ouverture musicale à laquelle je tenais tant précédemment. L’étau se resserre : je ne pense à peu près plus qu’à la musique électronique, aux textures éthérées, aux strates de percussions hypnotiques, aux basses mordantes et aux « claps » au grain quasi-minéral. Et j’ai l’impression que j’aime plus que jamais la musique, maintenant que je la regarde au microscope.

Jenny Hval est depuis plusieurs années une grande source d’inspiration pour moi. Je suis obsédé par sa voix, par sa diction et ses textes, notamment quand elle reste en mode spoken word. Dans ce projet, elle me donne tout ce que j’aime et bien plus encore. Le sound design de « Drive » est prodigieux, la progression hyper émouvante. Ce morceau est tellement fort et limpide que, paradoxalement, je ne l’ai pas beaucoup écouté – de peur de m’en lasser.

J’ai hésité longtemps entre poster « G Step » et « Strobe Fountain » du même EP. Les deux m’ont procuré le même plaisir extatique. Des rythmiques jungle, des gimmicks de rave et pourtant aucune sensation de déjà entendu. Et surtout des ambiances qui tiennent du miracle : planantes, mélancoliques et en même temps totalement surréalistes et presque amusantes. C’est en plus très excitant de voir que ces deux jeunes compositrices ne sont qu’à l’orée de leur carrière. Elles ont encore beaucoup de choses à nous donner.

Plus inquiétant en apparence avec son kick proéminent et son infrabasse, « CV3 » est pourtant pour moi un morceau qui avant tout élève l’esprit. Il faut dire que je me suis peut-être grillé le cerveau en écoutant trop la discographie pharaonique de Mike Parker. Je n’arrive presque plus à entendre la violence ou la noirceur dans cette techno pourtant radicale : je me focalise plus que sur les motifs répétitifs qui ondulent sur le beat et se répandent dans la stéréo dans des mouvements presque imperceptibles. Avec sa rupture rythmique en plein milieu, « CV3 » est au moins plus pédagogique que les autres morceaux de Parker : il montre bien qu’il y a autre chose que de la grosse mécanique dans cette musique-là.

 

ARBOBO

Pauline Drand – « Madone »
Extrait de Ô fortes – 2018 – Apparition
Jorja Smith – « Teenage fantasy »
Extrait de Lost & found – 2018 – eternal sunshine
Cat Power – « Stay »
Extrait de Wanderer – 2018 – histoire d’amour

Pauline Drand est une artiste artisane. Elle cisèle. Elle préserve son intégrité, au risque de rester peu connue. Elle est l’une des plus belles choses qui nous soient arrivées. Son premier album, son nouveau 2 titres, en 2018, nous plonge dans tant d’admiration et tant d’amour qu’on ne parviendra pas à les transmettre. Dire qu’il y aussi eu l’explosion de la “grenade” de Clara Luciani, le détonnant changement de cap et de langue de Marie-Flore (“braquage”… wow), le retour de Camelia Jordana qui offre à l’anglais et à l’arabe son phrasé et son grain uniques. Mais avec Pauline Drand, il se passe quelque chose d’inattendu et déroutant. Chaque phrase d’elle est inépuisable.

Jorja Smith posée sur un plateau télé. Aux aguets. Pesant le moindre mot, pour n’offrir aucune prise pour l’atteindre. C’est le spectacle que nous avons découvert par hasard un soir ordinaire. Puis la voici sur scène… Un souffle chaud et caressant nous a parcouru de la nuque jusqu’au ventre. En 2018, les Last Poets ont sorti leur premier album depuis plus de 20 ans. Si les légendes vivantes veulent transmettre le flambeau, ils peuvent le confier en toute confiance à la jeune anglaise au regard acéré. Ou à Janelle Monae qui est toujours aussi frappée. Ou à Anthony Joseph, qui met plus de Caraïbes que jamais dans son cocktail afro-latino-américain de haute volée.

Ah… oh…. Enfin, l’artiste avec qui j’entretiens une histoire d’amour de fan transi est retournée en studio. Même si elle est moins à cran, et inégalement inspirée, Cat Power est revenue vers les styles qui nous ont fait tomber en amour. Rien que pour cela, et pour cette reprise de Rihanna, merci ! « I want you to stay », s’il y a bien une phrase que l’on rêve d’entendre d’elle, et de lui adresser, la voici. Il s’en passe toujours de belles en Amérique, avec US Girls par exemple, ou Okkervil river. Nos vieilles amours se portent bien, ce n’est pas Neneh Cherry qui dira le contraire, son retour aussi nous a mis le sourire jusqu’aux oreilles.