Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage

01. Kool Keith – « Plush Mink » (Guillaume Augias)
Extrait de Keith – 2019 – Octagone
Avec ce titre sucré, fraîchement décapsulé, on comprend que Kool Keith aura mûrement réfléchi le moment de son retour. D’aucuns pourraient contester la véracité d’un retour, avançant à raison que l’auto-proclamé Black Elvis n’est jamais parti, étant même ces dernières années à l’origine de plus de sorties que jamais. Oui mais voilà, je parlais plutôt de retour mental, d’Histoire subjective. Car Kool Keith est à jamais pour moi ce branque volubile et fascinant, capable de renverser la scène pourtant plate du Glazart dès l’éparpillement des flyers où il figure en contre-plongée, tenant une basse immense comme sa verve et pesante comme le destin qui se refuse sans cesse à lui.

 

02. Thom Yorke – « The Axe » (Erwan Desbois)
Extrait de Anima – 2019 – Solo parfait
Le troisième album solo de Thom Yorke est le bon. Non pas que les deux précédents n’étaient pas déjà bons, mais Anima est vraiment très, très bon, l’accomplissement du travail de Yorke avec le producteur Nigel Godrich en marge de Radiohead. Un superbe court-métrage réalisé par Paul Thomas Anderson et chorégraphié par Damien Jalet accompagne la sortie de l’album, servant de clip de luxe à trois de ses morceaux. C’en est un quatrième (Anima est de toute manière très homogène en termes de qualité, sans temps faible), The Axe, que j’ai retenu pour la playlist, même si cela s’est joué à peu de choses avec Dawn Chorus qui conclut le film.

03. KOMPROMAT – « Niemand » (Marc Mineur)
Extrait de Traum Und Existenz – 2019 – EBM dans ta face
Vitalic nous avait ouvert une porte, il y a une quinzaine d’années. Dans la queue de comète d’une vague electroclash qui s’étiolait, il nous avait donné le goût de la baston sonore, des prestations un peu grisantes. Ce n’était pas toujours subtil, vraiment pas même, mais on s’est découvert une addiction pour ces pulsions sudoripares. Et si les albums se sont succédé sans toujours convaincre sur la longueur, il restait des petites giclées d’adrénaline à chaque fois. Aujourd’hui, Pascal Arbez-Nicolas s’allie à Rebeka Warrior, Julia Lanoë pour l’état civil, chanteuse de Sexy Sushi et Mansfield. TYA, qui avait déjà collaboré le temps du percutant Mort Sur le Dancefloor. Et le résultat, dans une langue d’Angela Merkel qu’ils ne maîtrisent pas, convainc tout à fait. On retrouve ce goût du bombastique, cet italo-disco dévoyé et une envie grosse comme ça. Le coup de fraicheur intense qu’il fallait à nos grosses chaleurs estivales.

 

04. Arab Strap – « The Shy Retirer » (Nathan)
Extrait de Monday at the Hug & Pint – 2003 – Émancipation
Arab Strap s’est toujours résumé pour moi aux complaintes lentes et alcoolisées de Philophobia. Écouter Aidan Moffat déblatérer avec attention, rire face à ses métaphores. Mais ce “Shy Retirer”, pep-talk d’un angoissé social, ode à l’ecstasy, est une toute autre créature. Cette fuite en avant – de la chanson, de son protagoniste – est touchante. La simplicité de l’écriture de Moffat fait des ravages.
You know I’m always moanin’
But you jumpstart my serotonin
But how d’you know you’ve ever really loved?

 

05. Sunn O))) – « Novae » (Benjamin Fogel)
Extrait de Life Metal – 2019 – Drone
À chaque nouvel album, Sunn O))) offre exactement la même expérience, sans jamais que la lassitude ne s‘installe. C’est probablement dû au fait qu’on ne sait jamais si cette musique est une attaque destinée à nous faire souffrir (confer la puissance des ultra-basse du groupe en concert à même de faire chavirer les corps) ou, à l’inverse, un cocon protecteur qui dresserait autour de nous un mur de bruit blanc capable de nous protéger du monde extérieur. Sur Life Metal, le duo de Seattle creuse encore et encore sa formule. Comme souvent, c’est lorsque qu’il croise son univers avec la musique d’autres qu’il est le meilleur, à l’image de ce « Novae », enregistré avec la violoncelliste Hildur Guðnadóttir du groupe Mùm.

 

06. Johan Papaconstantino – « Les Mots bleus » (Sarah Arnaud)
Single – 2019 – Presque sans paroles
Depuis quelques années, le chanteur Christophe est redevenu à la mode, estampillé cool, faisant oublier au public une image un peu mièvre et surannée qu’il pouvait avoir. Les Mots bleus date de 1974 et n’a jamais été une chanson mièvre. La voix de Christophe y a toujours été sur le fil avec cet aigü un peu alien, la déchirure au bord des lèvres. Naturellement, les jeunes artistes hype le reprennent allègrement. Johan Papaconstantino vient tout juste d’en sortir une très belle version, qui remplace l’amertume et la peur par un tempo presque argentin, saccadé d’un keyboard exotique, plus séducteur, plus séduisant, plus sensuel. Dans Les Mots bleus il est question de communiquer son amour, sans forcément passer par la parole. Et la version de Papaconstantino fait frémir la peau et le cœur plus qu’elle ne fait chercher des mots. Dans cette déclaration à propos d’une déclaration d’amour, on hésite, on questionne, on veut faire comprendre. Christophe et Papaconstantino nous parlent à nous, ils nous expliquent ce qu’ils vont lui dire à elle, ce qu’ils voudraient lui dire, ce qu’ils ne vont pas dire parce que leur amour suffit. Une chanson de paroles qui ne seront jamais dites, de regards qui soutiennent les sous-entendus, de caresses qui paraphrasent le silence.

 

07. Engine – « Latina » (Arbobo)
Extrait de Si viene la murte – 2019 – Latin fusion
Quand j’ai croisé Robin Gentien, c’était un lycéen épanoui en train de se découvrir des qualités artistiques. Aujourd’hui, il tourne avec son groupe Engine pour leur nouvel album, qui à leur habitude alterne titres en anglais et en espagnol. Latina débute avec une rythmique plutôt salsa en guitare gitane, mais très vite les passages rapés ne ressemblent plus à un terrain connu, et le pont de guitare afrobeat à 1’25 nous accroche bien comme il faut.  Autrement dit, j’ai hâte de recroiser Robin et sa bande.

 

08. The Aints – « The Church of Simultaneous Existence » (Thierry Chatain)
Extrait de The Church of Simultaneous Existence – 2019 – Rock cuivré
Il y a une éternité et même un peu plus, les Saints inventaient pratiquement le punk rock dans leur coin, isolés à Brisbane avec leurs disques des Stooges. Arrivés à Londres en 1977, ils s’empressèrent de s’écarter de l’orthodoxie des épingles à nourrice en variant les tempos et en intégrant à leur son des cuivres ni vraiment jazzy, ni vraiment soul. Une veine que leur coleader de l’époque, le guitariste Ed Kuepper, revisite avec les Aints! (clin d’œil) via des compositions inédites datant du début des Saints et même avant. Du neuf avec du vieux ? Précisément. Car le morceau-titre, à l’image de cet album, appelle à tout sauf à la nostalgie, intemporel, frais, nerveux sans s’énerver.

 

09. Diamond Deuklo – « U.S.A. » (Thomas Messias)
Single – 2019 – Le Blues 
Personnage de second plan mais d’envergure dans le surprenant Comment c’est loin, il parvenait à voler la vedette à Orelsan et Gringe. Dans la vraie vie, Diamond Deuklo promène le même personnage de loser un peu fêlé, à l’image de ce qu’il présente dans son dernier titre. Pas né un 4 juillet, pas born in the USA, il raconte son désir de toucher du doigt un rêve américain qui garde bigrement ses distances. Une fois encore, pour Deuklo, c’est le blues total. Cette énième défaite, ce sentiment d’être si français qu’il ne s’en sortira jamais, tout ça fait penser au Eddy Mitchell de la grande époque, celle de Pauvre Baby Doll et Rio Grande, où l’on trouvait cette phrase mémorable : « Ça s’ra toujours le blues dans la banlieue d’Mulhouse ».