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01. Sunday Service Choir – “Revelations 19:1” (Erwan Desbois)
Extrait de Jesus is Born – 2019 – Les Choristes
On pensait que Kanye West avait tout fait, mais non : avec Jesus Is Born, il invente l’album de Kanye West sans Kanye West – devant le micro, puisqu’il se contente de produire cette livraison copieuse (dix-neuf morceaux, presque une heure et demie de musique) d’enregistrements gospel du chœur qui l’accompagne sur son dernier « vrai » album, Jesus Is King. West a également glissé trois de ses anciens morceaux, “Father Stretch My Hands”, “Fade”, “Ultralight Beam”, dans la setlist hétéroclite sur le papier (mais qui produit un ensemble harmonieux à l’écoute), au milieu d’autres reprises et de chansons relevant véritablement du gospel. Dans “Revelations 19:1”, qui fait partie de ce dernier groupe, West rappelle à toutes fins utiles l’étendue de ses dons sensationnels de producteur : ce qu’il construit musicalement autour de la répétition d’un motif unique (le crescendo des ‘Hallelujah’) aboutit à un résultat proprement euphorisant.

 

02. BROCKHAMPTON – “TONYA” (Guillaume Augias)
Extrait de iridescence – 2018 – Rap non genré
Voici venir un collectif de plus, qui fait penser à d’autres parmi les plus prestigieux, qui “go west” depuis milieu du Texas jusqu’à L.A., avec à sa tête un Kevin Abstract portant la cause gay sans détour. Une histoire qu’on comprend déjà longue, forgée à la force du vouloir vivre, et qui se traduit par autant de ruptures syntaxiques dans les nappes narratives de leur rap poppé. La route qu’ils empruntent à été pavée d’or par André 3000 et Yoni Wolf. À l’arrivée, une bande de petits cousins de Travis Scott possédant ce soupçon de vague à l’âme qui lui échappe.

 

03. The Gun Club – “Carry Home” (Nathan)
Extrait de Miami – 1982 – Essence du rock’n’ roll
Je me demande souvent ce qui rend quelque chose de “punk”. Ma première intuition va vers la rapidité et les hurlements, les sons saturés. Mais parfois cette simple violence semble stérile et froide. Et le punk se cristallise dans un contexte bien plus large. Alors, serait-ce l’impudeur? L’attitude? Je n’ai toujours pas de réponse finale, je continue d’y réfléchir en vain. Je sais juste que The Gun Club est sûrement le truc le plus punk que j’ai entendu de ma vie.

 

04. Stephan Eicher – “Prisonnière” (Esther)
Extrait de Homeless Songs – 2019 – Chansons
Difficile de choisir une seule chanson parmi les 14 merveilles qui composent le dernier album de Stephan Eicher. Un disque qui  doit s’écouter sans s’interrompre. Une alternance audacieuse de chansons d’une minute et de chansons de six minutes. Des textes en bernois (qu’on se surprend à aimer sans les comprendre), des textes en français écrits par l’écrivain Philippe Djian. J’ai choisi “Prisonnière” parce qu’elle est ni plus ni moins que l’une des plus belles chansons d’amour que j’ai eu l’occasion d’écouter. À la fois mélancolique, douce et humble. Une chanson qui ne cherche rien mais donne tout.

 

05. Wolf Parade – “Julia Take Your Man Home” (Marc Mineur)
Extrait de Thin Minds – 2020 – Rock canadien fiévreux
Sunset Rubdown, Moonface, Swan Lake, Operators, Handsome Furs, Divine Fits, ce sont quelques groupes qui ont au moins Dan Boeckner ou Spencer Krug dans leurs rang. Autant dire que si les deux leaders relancent leur projet commun Wolf Parade, c’est qu’ils ont une bonne raison de le faire, l’oisiveté n’étant pas une option pour les deux surdoués canadiens. Et le second album après la reformation ne contient aucune trace de lassitude, bien au contraire. Ils ont su créer un style, et un groupe de rock qui ne sonne pas exactement comme un autre des cinquante dernières années. Rien que pour ça ils mériteraient toute notre gratitude. Mais en plus, ils ont su garder une fièvre, une intensité, un goût de la tangente et de la surprise qui chaque fois nous maintient en haleine. Avec son groove puissant, voici un des morceaux d’un des albums de ce début d’année. Chouette alors…

06. Bernard Lavilliers – “Les Aventures extraordinaires d’un billet de banque” (Arbobo)
Extrait de Le Stéphanois – 1975 – Pop française
Je revisite les artistes chantant en français, débarrassé par l’âge de ma volonté farouche de ne regarder que du côté de la langue de Morrissey. C’est que j’en ai loupé des choses, pendant ces années… Ce morceau d’avant ses plus grand succès m’aimante et j’y reviens toutes les semaines pour reprendre mon shoot. Une merveille d’orchestration sobre mais qui occupe l’espace et l’oreille. Un riff entre rock et blues qui pourrait nous tenir en haleine durant des heures. Et puis ce texte, un scénario, une nouvelle, un bijou d’écriture, d’ironie, de double-sens. Ce texte que je continue de découvrir et de savourer à la centième écoute.

 

07. Bullion – “Hula” (Christophe Gauthier)
Extrait de We Had A Good Time – 2020 – Déglingué
Le producteur londonien Bullion s’était fait remarquer il y a deux ans avec “Blue Pedro”, improbable rigaudon électro adapté du titre traditionnel écossais “Flowers of Edinburgh”. Son nouveau morceau, premier extrait d’un EP à paraître fin février, est plus sage en apparence. L’ambiance est douce et cotonneuse, le beat est tranquille ; les paroles et les synthés pas très droits laissent poindre un soupçon de doute et de mélancolie. Comme ces souvenirs dont on ne sait plus trop s’ils sont bien réels ou en partie inventés.

 

08. Van Morrison ft. The Band – “Caravan” (Sarah Arnaud)
Extrait de The Last Waltz – 1978 – Climax
C’est l’histoire d’une radio qui joue de la musique au loin, une musique agréable. La version studio fait la transition entre un Van Morrison plutôt jazzy et son côté mystique : cuivres, piano, guitare douce additionnés de paroles un peu perchées où le chanteur veut étreindre la douce lady de la nuit. En 1976, Scorsese filme le dernier concert de The Band. Le live de “Caravan” qui y figure est une des plus performances du film et la version préférée des aficionados. Morrison, d’habitude chanteur timide, toujours dos au public, se lance dans un morceau de bravoure, sous les yeux conquis des autres musiciens. Les jambes envoyées dans les airs, les bras mouvants, la voix puissante, à la fois criante et suave. Alternance parfaite entre une vocifération rock et une teinte rythm’n blues, “Caravan” est un hymne à la musique dans le fond comme dans la forme. Morrison prie la musique de venir se faire sentir, une manière de l’avoir sur et sous la peau, parce qu’il n’y a que ça de vrai. Plus il chante, plus Morrison veut chanter, montant en puissance. Nous allons vers la transe, avec joie et entrain. C’est le morceau du bonheur total, du ravissement magique de la performance, de l’euphorie musicale, ce qu’un riff de guitare à de plus proche d’un souffle génésique, ce qu’un chant à de plus proche d’une jouissance physique, pleine, entière. Chaque suspension de guitare, chaque boucle rythmique, chaque pression tonitruante des cuivres, chaque intonation vocale, tout nous invite à l’extase, au paroxysme. Il ne reste plus qu’à monter le son.
(Ça s’écoute encore mieux avec l’image : The Band enamourés de Morrison, qui gesticule dans un costume marron avec des micro paillettes : https://youtu.be/44wDwMQVqCc)

 

09. Nicholas Britell – “Succession – Main Title Theme” (Thomas Messias)
Extrait de Succession – Season 1 Original Soundtrack – 2018 – Puissance et gloire
Si vous pensiez avoir fait le tour des histoires de pouvoir, de domination, d’argent et d’humiliation, jetez tout de même un œil à cette formidable série HBO et reparlons-en ensuite. Le thème du générique, à l’image de tout le reste de la bande originale, colle parfaitement à l’esprit de Succession : c’est tapageur, grandiloquent, mais pas tout à fait dépourvu de classe. L’écouter à pleins tubes au casque donne tout à coup une impression de puissance, l’envie d’écraser le monde. Même dans les rayons de l’Intermarché le plus proche de chez vous.