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La Grâce et les ténèbres d’Ann Scott : thriller documentaire

Par Benjamin Fogel, le 13-09-2020
Littérature et BD
Cet article fait partie de la série 'Rentrée littéraire 2020' composée de 3 articles. Playlist Society fait sa rentrée littéraire 2020. Voir le sommaire de la série.

Chris, la trentaine, reste enfermé chez lui, ne sortant dehors que pour errer dans la ville. À l’abri du besoin, après avoir secrètement hérité d’une importante somme d’argent en liquide de sa grand-mère, il espère consacrer son existence à la musique. Mais quelle ambition mettre dans des chansons alors que Colette, sa mère climatologue, Cass et Claire, ses sœurs respectivement photographe et reporter de guerre, consacrent leur vie à des causes plus grandes qu’elles. Pour exister, Chris va rejoindre la Katiba des Narvalos, groupement en ligne qui lutte anonymement contre les activités djihadistes, formant un avant-poste bénévole du renseignement français. Tout au long du livre, La Grâce et les ténèbres d’Ann Scott va interroger cet engagement, ses causes, ses conséquences, son nombrilisme et sa grandeur.

D’un côté, le désœuvrement, l’incapacité à trouver sa place dans le monde, à donner un sens à son existence. De l’autre, la violence froide du terrorisme, et les arcanes de la lutte contre le cyberterrorisme. Entre les deux : les réseaux sociaux, et plus particulièrement Twitter, champ de bataille où le lol et l’incitation à la haine sont traités au même niveau.

Physiquement ancré dans une réalité connue, mais avec une fenêtre ouverte sur la barbarie

Dans les fondations de La Grâce et les ténèbres, on retrouve des éléments du thriller terroriste, du drame familial et de l’essai documentaire, mais le roman ne cherche jamais à s’appuyer sur eux pour construire une intrigue, pour faire fiction. Il nous laisse dans la même position que Chris, physiquement ancré dans une réalité connue, mais avec une fenêtre ouverte sur la barbarie, et celles et ceux qui limitent sa propagation.

Ce refus de laisser l’intrigue prendre le pas sur le propos permet à Ann Scott de rester focalisée sur ses enjeux, de multiplier les sources d’informations, de fournir une cartographie complète des forces en présence, et même de consacrer plusieurs pages d’analyse à l’avenir de Twitter.

On est toujours dans et hors le roman. Un beau numéro d’équilibriste pour un texte moderne et politique, qui dans un même mouvement prône l’engagement et le renoncement.