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Christophe et Hélène sont nés dans les Vosges. Le premier, adolescent charismatique et figure phare de l’équipe locale de hockey sur glace, est la star du lycée. La seconde, fille unique d’un couple aux moyens modestes, passe inaperçue, invisible aux yeux de ses camarades masculins. 25 ans plus tard, la carrière sportive de Christophe est en berne. Séparé, père d’un jeune garçon, il n’a jamais quitté la région, traîne toujours avec les mêmes potes. Hélène, elle, mariée, deux enfants, revient à Nancy, après des études dans une grande école de commerce, un CDI en cabinet de conseil et des centaines de slides, dopées aux analyses de marché et aux recommandations stratégiques stériles, qui l’on conduite au burn out. Christophe et Hélène vont se retrouver et s’aimer. Le pitch de Connemara, le troisième roman de Nicolas Mathieu, fait écho à des archétypes du cinéma américain : le teen movie où un paria du lycée va prendre sa revanche sur les élèves les plus populaires, et la rom com où un homme et une femme que tout oppose – moyen financier, milieu social, rapport au plaisir – vont tomber follement amoureux, potentiellement lors des fêtes de Noël. Nicolas Mathieu joue de ces références pour accentuer le désabusement qui saisit à la gorge ses protagonistes à l’aube de la quarantaine : pas plus eux que le lecteur ne trouvera ici une jolie histoire qui réchauffe le cœur. Il y aura bien des rires et des larmes, mais elles serviront surtout à quantifier la lente hémorragie du temps, qui est au cœur de ce roman, dont les parties sur l’adolescence sont écrites au présent, et les parties contemporaines au passé, comme si les êtres étaient dévorés par la nostalgie au sein d’un quotidien qui leur file entre les doigts.

Un constat implacable sur les trajectoires de vie, qui aboutissent in fine à la même quantité de malheur et de bonheur

Non seulement, Connemara est un grand livre sur la question des transfuges de classe, mais c’est aussi un constat implacable sur les trajectoires de vie, qui aboutissent in fine à la même quantité de malheur et de bonheur. Peu importe que l’on se saoule à la bière dans un mariage de province ou au champagne dans une soirée d’entreprise, l’ivresse est la même. Le poids du temps qui passe n’a pas de milieu social et il est ridicule de se sentir les uns supérieurs aux autres. Nicolas Mathieu écrit la banalité ni pour la rendre belle ni pour la moquer, juste pour la dire, parce que c’est dans celle-ci que se loge la matière des analyses les plus justes de notre monde. Une des grandes forces du roman est que l’auteur ne fait jamais le malin. Connemara n’est jamais cynique ou ironique. Il ne prend pas ses personnages de haut, ne recherche pas la complicité avec les lecteurs et les lectrices.

« Un jour c’est sûr, c’est en vendant la promesse d’un monde décroissant qu’on gratterait les ultimes percentiles », analyse Nicolas Mathieu. C’est vrai pour le capitalisme et pour l’amour.