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Deux décennies durant, dDamage, le groupe de musique électronique fondé par Fred et JB Hanak, a été un groupe essentiel de la scène française avec un paquet d’albums importants – le classique Radio Ape, Shimmy Shimmy Blade et ses featurings rap inoubliables, jusqu’au très indus Brother vs Brother – et peut-être le seul à faire cohabiter dans un même projet ces trois courants : l’electro warpienne, l’abstrackt hip hop et la french touch.

Oubliez tout ce que vous avez pu lire sur les tournées hardcore de vos groupes préférés

Artiste total – art graphique, composition de BO et membre du groupe de heavy rock Cobra – JB Hanak vient de sortir son premier roman Sales Chiens, aux éditions Léo Scheer, un texte à la croisée de l’autobiographie, du documentaire rock et de la fiction la plus barrée. JB Hanak y raconte une tournée chaotique de dDamage en Italie, en compagnie de deux rappeurs Gino et Kurt – personnages fictifs, probablement un mix des personnalités des MC qui ont collaboré avec le groupe : Bigg Jus, Subtitle, Radioinactive, Existereo, Tes… – et de Dèbe, un DJ cradingue – que je crois avoir reconnu, mais dont je ne citerai pas le vrai nom de scène, tant le livre le prive de dignité humaine. À partir de là, oubliez tout ce que vous avez pu lire sur les tournées hardcore de vos groupes préférés. Le niveau de bordel, de dangerosité et de défonce décrit ici dépasse l’entendement. Sales Chiens n’est pas le livre d’un musicien qui s’autocongratule, ivre de ses heures de gloire. C’est même complètement l’inverse : le succès de dDamage et les triomphes sont effacés pour ne garder que les moments les plus sordides, ceux où la malchance vient prêter main-forte à la folie.

Tout va très vite. Hanak ne laisse aucun temps mort dans la narration

C’est une plongée inouïe dans l’univers féroce et masculin des concerts underground, vicié par le manque d’argent et l’addiction. Il n’y a quasi aucun personnage féminin dans Sales Chiens – les rares femmes présentes sont humiliées, comme Dèbe, ce qui accroît le malaise et l’aspect toxique de l’ensemble. La trahison est partout, comme dans un film de mafia, et la violence peut surgir à chaque page. Aucun personnage n’est amoureux ; aucun personnage ne pense à l’amour. Seule compte la fraternité, celle entre JB et son frère Fred.

Tout va très vite. Hanak ne laisse aucun temps mort dans la narration. L’espace est saturé, ne laisse aucune place au vide, comme dans les chansons de dDamage, comme dans les peintures de l’auteur, toiles labyrinthiques, dessinées au stylo bille bleu. Une manière de foncer à 100 à l’heure, peut-être pour ne pas laisser l’opportunité de tout dévorer à la tristesse provoquée par la mort de Fred Hanak en 2018. Un roman furieux et édifiant.