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Grande diffusion rime parfois avec malentendu, comme le cas d’Animal Collective pourrait l’illustrer. Leur carrière, commencée dans la discrétion, a en effet connu un très gros coup d’accélérateur en 2007 avec la sortie de Stawberry Jam et pour une fois, ça faisait plaisir de voir un groupe sortir du bois avec son septième et meilleur album. Les astres s’alignaient pour eux, le climat était propice pour que leurs expérimentations euphorisantes éclatent au grand jour. Toutes les composantes étaient déjà là sur l’excellent Feels, mais traitées sur le même plan que d’autres éléments, et il fallait plus d’investissement personnel pour en tirer tout le suc. Panda Bear avait aussi montré la voie avec le toujours percutant Person Pitch. Ils occupaient le terrain, ils prenaient la main.

Les gens se précipitèrent donc à leurs concerts, mais furent parfois rebutés par leur côté un rien hermétique. Ils avaient pourtant bien moins changé que leur public et près de dix ans après, c’est sans doute à cela qu’ils doivent leur longévité. Si Merriweather Post Pavilion avait confirmé leur talent, Centripede Hz n’aura étrangement pas trouvé l’écho attendu. Pas plus perturbés que ça, les membres d’Animal Collective reviennent cette année avec sous le bras un Painting With qui s’impose d’emblée comme leur album le plus “pop” – enfin, encore faut-il s’entendre sur la définition du terme. On leur connaissait une capacité certaine à associer un son vraiment personnel et de vraies mélodies, mais il restait aussi sur tous leurs albums une composante plus abstraite, comme des intermèdes ambient qu’on ne retrouve plus ici.

C’est un parti pris qu’ils assument pleinement, mais présenter un album de douze chansons courtes comporte aussi un risque. Parce que sur un album plus expérimental les morceaux plus accessibles prennent un relief particulier qui est plus difficile de reproduire lorsqu’on a l’obligation de taper juste à tous les coups. À l’instar des comédies réussies, les albums de ce type réussissant à séduire sur la longueur ne sont pas communs. Ajoutez à cela que les dernières productions de Panda Bear (Meet The Grim reaper) et Avey Tare faisaient la part belle à des sujets sombres (décès, maladie) et vous comprendrez aisément que cette apparente légèreté ne tombait pas sous le sens.

La groupe a décidé d’avancer à visage découvert, délaissant volontairement une réverbération qu’ils considèrent maintenant comme trop attendue

Le groupe, qui est maintenant un trio formé de Panda Bear, Avey Tare et Geologist (Deakin s’était fait porter pâle), a donc décidé d’avancer à visage découvert, délaissant volontairement une réverbération qu’ils considèrent maintenant comme trop attendue. Disparues aussi les transes savamment amenées comme sur « Banshee Beat » ou les diversions expérimentales, ils se concentrent sur leurs morceaux et rien qu’eux. On distingue tout de suite ceux qui fonctionnent sans coup férir : « Floridada »présenté comme single annonciateur par exemple, ou alors « Natural Selection » qui se présente comme un ride bondissant de deux minutes et demi. Ils savent aussi que ce genre se conçoit mieux avec une vitesse élevée et ils l’appliquent sur « Hocus Pocus » qui reçoit le renfort de rien moins que John Cale. La rythmique de « The Burglars » est discrète, mais donne quand même un côté hystérique à la chose.

Il ne faut pas oublier que ce sont eux qui ont remis il y a dix ans le son au cœur des débats sur la pop, entraînant derrière eux une myriade d’artistes souvent oubliés ou qui ont tracé leur propre route avec brio comme Bradford Cox avec Deerhunter ou Atlas Sounds. On est donc assez étonnés de les voir exposer des morceaux autant dépouillés d’artifices. C’est le cas du plus direct « Golden Gal » qui nous fait surtout penser à Of Montreal. On retrouve cette proximité sur « Vertical », dont on perd un peu le fil, tout comme sur « Summing The Wretch » où s’ils maitrisent toujours les syllabes qui s’entrechoquent, on ne peut s’empêcher de remarquer qu’on a déjà beaucoup entendu cela de leur part.

On ne présentera donc pas Painting With comme le meilleur album d’Animal Collective, mais on constatera néanmoins qu’il prend logiquement sa place dans leur discographie

On ne présentera donc pas Painting With comme le meilleur album d’Animal Collective, mais on constatera néanmoins qu’il prend logiquement sa place dans leur discographie. Celui-ci est leur dixième album et, s’il représente leur envie du moment, il ne constitue sans doute pas un virage définitif ; on les sait trop aventureux pour s’enfermer dans un procédé. Cependant, ils prennent ici un risque, certes relatif, en ne présentant que des morceaux courts et d’un abord pop. En effet, il aurait sans doute été plus facile pour eux de remplacer les morceaux qui s’y prêtaient le moins par des dérives sonores plus obscures, dans l’optique de rassurer les fans de longue date. Dans ce sens, cela confirme que la facilité n’a jamais fait partie de leur cahier des charges.

Il n’en reste pas moins que ce Painting With est sans doute l’album d’Animal Collective le plus facile d’accès de toute leur discographie. Evidemment, on recommandera au novice curieux de se pencher sur un Stawberry Jam autrement plus consistant.